Pourquoi la gauche devrait prendre au sérieux le déficit commercial [Publication]

Le numéro 4 de la revue Germinal est sorti sous le titre : Le socialisme face aux rivalités mondiales.

Ce numéro comprend des contributions de Anaïs Voy-Gillis, Matthieu Auzanneau, Alexandre Escudier, Nathan Cazeneuve, Caroline Mini, etc. La table des matières complète se trouve sur le site de la revue.

J’ai également contribué à ce numéro avec un texte intitulé : Pourquoi la gauche devrait prendre au sérieux le déficit commercial. Il me paraît en effet absurde d’abandonner ce thème aux libéraux et aux nationalistes, alors qu’il a des conséquences majeures pour nos engagements écologiques, notre position au sein de l’Union européenne, les tensions sociales qui parcourent le pays et le financement des dépenses publiques. Il est temps de réinvestir ce sujet !

Voici le texte de la conclusion de mon article pour avoir une idée du contenu :

Le déficit commercial n’est pas un problème en soi. Tout dépend du contexte, des rapports de force, de ce que l’on désire faire, et ainsi de suite. D’ailleurs, si la mise à l’agenda de cette question ne sert qu’à demander aux classes populaires un énième effort de compétitivité, qu’à justifier la mise en place de politiques d’austérité ou qu’à mettre en accusation les étrangers, mieux vaut probablement passer à autre chose.

Mais rien n’oblige la gauche à accepter ces grilles de lecture. Notre déficit commercial persistant pose problème pour de multiples raisons : il nous conduit à surconsommer, il empêche que la voix de la France soit entendue en Europe, il signale des déséquilibres sociaux dangereux et il nous prive de moyens économiques importants. S’ajoute à cela un enjeu de crédibilité, car le déficit commercial constitue un angle d’attaque récurrent des gouvernants contre le supposé « irréalisme » de la gauche.

Évidemment, tout cela ne dit pas comment on pourrait s’y prendre ; il ne suffit pas qu’une majorité de la population soit favorable à la relocalisation d’activités industrielles pour que tous les problèmes soient surmontés, loin de là ! Cependant, une première étape serait que les responsables politiques de gauche se mettent à prendre un peu plus au sérieux le déficit commercial et ses conséquences, afin d’ouvrir le débat.

La consommation ne fait […] pas moins partie du champ politique que la production, du moins dans toute collectivité qui entend se gouverner elle-même.

Il y aurait d’ailleurs ici l’occasion d’explorer d’autres voies. Les gouvernants, depuis plusieurs décennies, misent avant tout sur la production, qu’il s’agisse de rendre nos produits compétitifs ou de décarboner l’économie. Peut-être serait-il temps de prendre les choses par l’autre bout : les préférences des consommateurs ne sont pas des données individuelles auxquelles l’on doit se soumettre, ce sont des phénomènes sociaux qu’il peut être bon de mettre en accord avec l’intérêt général. La consommation ne fait donc pas moins partie du champ politique que la production, du moins dans toute collectivité qui entend se gouverner elle-même. Mais, quoi qu’il en soit, le plus important reste de ne jamais perdre de vue l’enjeu central en politique, celui de la répartition des efforts et des gains entre les différentes classes sociales qui forment la cité.